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Interview : Feu! Chatterton, Vers le monde nouveau

Interview : Feu! Chatterton, Vers le monde nouveau

À partir du 12/11/2021

Avec un troisième album, le groupe rock pop s’attaque aux enjeux contemporains : ambivalence des nouvelles technologies, crises écologique et sociale… L’homme de demain qui semble émerger du disque Palais d’argile, vulnérable et lumineux, se questionne et tente d’advenir. Parlant tour à tour, mais d’une même voix, les cinq copains parisiens composant Feu! Chatterton nous invitent à retrouver l’art de la contemplation et à interroger la marche du monde.

  

Avec un troisième album, le groupe rock pop s’attaque aux enjeux contemporains : ambivalence des nouvelles technologies, crises écologique et sociale… L’homme de demain qui semble émerger du disque Palais d’argile, vulnérable et lumineux, se questionne et tente d’advenir. Parlant tour à tour, mais d’une même voix, les cinq copains parisiens composant Feu! Chatterton nous invitent à retrouver l’art de la contemplation et à interroger la marche du monde.

 

Propos recueillis par Gaïa Mugler

 
Votre dernier disque doit-il s’entendre comme une musique « effondriste » ?
  

Le monde qui s’écroule, c’est le constat de départ du disque, mais c’est un peu triste de s’arrêter là. L’album est un exode vers la lumière et on y trouve progressivement de l’optimisme, de l’espoir.
Il a été pensé en 2019. On sentait bien l’urgence économique, sociale, environnementale. En tant que citadins parisiens de la classe moyenne, on devait revoir notre manière de penser.

  

"Nous sommes des personnes engagées, « écolos », oui, chacun à des niveaux et de manières différentes dans son quotidien." © DR

  
Vous définissez-vous comme artistes engagés ?

  

Nous sommes des personnes engagées, « écolos », oui, chacun à des niveaux et de manières différentes dans son quotidien. Sébastien a longtemps été à Slow Food (NRDL : Mouvement international d’« écogastronomie » visant, en opposition aux fast-foods et à la standardisation du goût, à rendre à l’alimentation toute sa valeur, dans un esprit de respect de la biodiversité et de la terre).
  
Mais ça ne vaut pas pour le groupe, même si ce qui nous anime infuse notre musique. Nous, on pose des questions sur le monde, sur notre relation aux écrans, par exemple. Mais ce sont d’abord des questions à nous-mêmes : on ne veut pas donner de leçons. C’est aussi pourquoi nous avons attendu trois albums et dix ans pour oser parler de thèmes politiques, sociaux, environnementaux. L’urgence était là, on n’avait pas le choix, avant même la Covid-19.
  
On a mis de côté notre peur de la maladresse et notre perfectionnisme. Face aux crises qu’on traverse, il fallait qu’on s’empare de ces sujets. On a été portés à la fois par les penseurs qui, il y a dix ans, alertaient déjà, et par la génération militante actuelle qui défend les causes climatiques, raciales, sociales…
   
Ceci dit, notre engagement premier est poétique. On ne se rend pas compte combien la poésie a une charge d’émancipation, libératoire, politique. C’est une arme très puissante. La manière de vivre poétiquement le monde implique de nourrir un feu critique, dissident, insolent, qui interroge. La poésie, c’est l’inutile, le jeu, la contemplation, la lenteur, le rire. Et l’inutile, on oublie que c’est essentiel dans nos vies. Ça nous rend alertes. Et ça rassemble ! 
 

 
Être cinq, c’est compliqué ?

 
Pour fonctionner à cinq, il faut savoir s’engueuler ! On a la chance d’avoir un idéal commun dans la musique et on se respecte les uns les autres. On sait accepter la critique, on supporte les désaccords parce qu’on est convaincus que les chansons ressortiront plus fortes de la confrontation, et ça s’est toujours vérifié. Le sens du conflit, du débat, c’est le cœur de la démocratie.
   
Or, dans nos sociétés, on ne sait plus ne pas être d’accord, c’est pourquoi la démocratie s’est fragilisée.
 

 

« En tant que citadins parisiens de la classe moyenne, on devait revoir notre manière de penser. » © Antoine Henault

 
Que signifie la « dépossession », omniprésente dans Palais d’argile ?

 
Elle est ambivalente. On peut se sentir impuissant face aux décisions politiques, face à plein de choses. C’est ce tragique qu’on entend avec « Que savions-nous faire de nos mains », dans la chanson Monde Nouveau. En ce sens, nous sommes le symptôme d’une société qui souffre du peu d’agir politique qu’elle a.
   
Puis il y a un retournement, la dépossession devient laisser-filer, acceptance. L’idée est qu’il faut cesser d’avoir l’orgueil de penser qu’on peut conformer le monde à nos désirs. Ça ne doit pas être une excuse pour ne pas agir, mais il ne faut pas croire non plus qu’on peut trop ordonner.
 

 
Que sont ces mondes nouveaux et anciens évoqués dans l’album ?
 

Il y a une version pessimiste et une optimiste. On a le monde d’avant, idéalisé, très ancien, où les humains vivaient dans la nature – et mouraient à 25 ans –, et le monde d’avant, récent, ultra-capitaliste. Le monde nouveau, tout ce qu’on en sait, c’est qu’on veut « que les gens se prennent dans les bras », comme dans Monde Nouveau. C’est toujours un horizon, ça n’enjoint pas à l’action.

Tandis que le monde présent, c’est ce qu’on veut faire tout de suite ! On n’en parle pas, car on ne peut que le vivre, mais il affleure dans l’album avec les titres La Mer, Cantique. Dans un monde idéal, les gens seraient présents au monde.

 

 

SI VOUS ÉTIEZ...

Un recueil de poèmes

D’une même voix, Feu! Chatterton : Le Plâtrier siffleur de Christian Bobin,
qui parle de comment habiter poétiquement le monde et qui propose d’aller dans le sens d’une amélioration des esprits et des corps.

Un son naturel

Arthur Teboul : le son du ruisseau.

Un goût

Antoine Wilson : celui du bœuf bourguignon.
Les plats mijotés sont des plats à partager, réconfortants.

Une femme

Arthur Teboul : une braqueuse de banque, Calamity Jane.

Sébastien Wolf : Simone Veil ou Marie Curie, qui sont tellement classes !

 

Une texture

Arthur Teboul : celle du cou tout juste embrassé.

Sébastien Wolf : une écorce. Il y en a de rugueuses, d’autres douces, comme les peaux.

 

         

    BIO EXPRESS

Feu! Chatterton est un groupe de rock pop né en 2011 composé de
Clément Doumic (guitare, clavier), d’Antoine Wilson (basse), d’Arthur Teboul (chant),
de Sébastien Wolf (guitare, clavier) et de Raphaël de Pressigny (batterie) de haut en bas sur la photo.
 

Leur premier album, Ici le jour(a tout enseveli) (2015) est disque d’or.
Le deuxième, L’Oiseleur (2018), est le « meilleur album rock » aux Victoires de la musique 2019. É
lectronique poétique, rock aux textes profonds, fouillés et accessibles à la fois, la musique du groupe redonne ses lettres de noblesse à la chanson française.
 
Pour suivre la tournée 2021-2022 : feuchatterton.fr/concerts
 

        

Retrouvez cet article dans le n°119 de CULTURESBIO, le magazine de Biocoop, distribué gratuitement dans les magasins du réseau, dans la limite des stocks disponibles, ou à télécharger sur le site de Biocoop.

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